
Swann posa une main compatissante sur mon épaule.
_ C'est tellement dommage qu'ils ne nous aient pas mis dans la même classe, surtout pour ton premier cours !
_ Au moins je t'ai en fin de journée...
_ T'en fais pas, une aussi jolie petite Française, tu ne devrais pas avoir trop de soucis à te faire des amis et à rencontrer de nouvelles personnes
_ Merci, dis-je peu convaincue. C'est là qu'on se quitte ?
_ En effet dit-elle en refermant son casier. Tiens, je te donne mes cours photocopiés -elle me tendis une liasse de feuilles- comme ça tu pourras suivre, j'ai annoté quelques mots compliqués en français pour que tu sois pas trop perdue...
Elle fronça les sourcils en se passant une main dans les cheveux, semblant avoir oublié quelque chose.
_ Ah oui, avec le club de chant je ne pourrais pas manger avec toi et ils n'acceptent pas les visiteurs, même quand ce sont mes correspondantes, dit-elle avec un regard d'excuse. La cafétéria se trouve dans l'autre bâtiment, les portes sont rouges tu peux pas les louper. Heureusement, je n'ai ce club que le jeudi midi donc demain je mangerai avec toi
_ Et aujourd'hui ? dis-je, paniquée.
Elle eut une moue désolée.
_ Je sais pas, mais je te répète, tu ne devrais pas avoir trop de mal à te faire des amis et...
La sonnerie nous interrompit et affolée, elle s'engouffra dans la salle où sa classe était déjà quasiment assise dans son intégralité.
_ Ce prof est un tyran, je peux pas me permettre d'arriver en retard dit-elle en refermant la porte doucement. Bonne chance !
Je levai le poing en signe positif avec un visage qui disait tout le contraire puis me retournai dans le couloir déjà désert. Oh c'est pas vrai, il n'y avait donc personne pour m'indiquer ma salle ?
Je fis cinq pas et perdis l'équilibre, faisant tomber toutes les photocopies de Swann.
_ Et merde, c'est pas possible d'être aussi con ! jurais-je en Français en me baissant pour les ramasser.
_ Besoin d'aide ?
Je relevai la tête et me retrouvai nez-à-nez (ce n'est pas qu'une image) avec un blond qui me regardait, amusé.
_ Tiens, dit-il en me donnant le paquet qu'il avait rassemblé en deux secondes, elles sont à toi.
_ Euh, merci
_ Tu dois être la nouvelle correspondante de Swann, n'est-ce pas ?
_ Oui, en effet
_ Joli accent, toi t'es Française.
Je levai les yeux au ciel en lui tournant le dos.
_ Biologie ?
_ Pardon? dis-je en me retournant
_ Ton cours c'est Biologie ?
_ Oui, dis-je agacée qu'il ait lu mon emploi du temps. Tu me le rends s'il te plait, j'en ai besoin.
_ A quoi te sers-t-il si tu ne sais même pas où te diriger ?
Il le leva haut afin que je ne puisse pas l'attraper.
_ Il parait que l'espoir fais vivre, je garde l'espoir de trouver la bonne salle, par contre si je ne l'ai pas il ne me sers à rien en effet.
_ Quoi, tu penses que guidée par le Saint-Esprit tu vas te diriger vers la bonne classe ? demanda-t-il, moqueur. C'est un grand lycée ici.
_ Eh bien je m'attendais à ce que quelqu'un d'adorablement attentionné me guide mais je préfère presque arriver en retard, finalement, dis-je en sautant pour attraper ma feuille.
Une fois dans les mains, je me rendis compte que le blond avait gardé le plan du lycée avec lui et qu'il le rangeait dans sa veste en cuir noir.
_ Très malin, je préfère galérer pendant un mois entier plutôt que de venir la chercher dans ta veste, dis-je en me retournant et en commençant ma route.
_ Mais c'est qu'elle mordrait presque dit-il en m'emboîtant le pas.
_ Tu fais quoi là ?
_ Jte guide. Tu glaces.
_ T'as quoi, 4 ans d'âge mental ?
_ Juste assez pour être plus adorable que toi. Là tu es tiède, dit-il lorsque je me retournai
_ J'ai pas envie de jouer à ça avec toi, tu peux pas me dire juste où est ma salle, et après on ne se reparle plus jamais ?
_ Pourquoi je ferais ça, j'ai envie de te reparler tu es si agréable à supporter...
_ Tes sarcasmes ne font rire que toi
_ Qu'est ce que je disais, si agréable. Tu chauffes
Je me dirigeai vers la salle suivante sous ses coups d'oeils inquisiteurs.
_ Oh, tu as trouvé, dit-il en peignant un faux air déçu sur son visage. Et moi qui voulais passer toute ma matinée avec toi...
J'attéris dans une classe où la blouse blanche était de rigueur et où le professeur était en train de montrer, scalpel à la main, la bonne technique pour disséquer un coeur. Au moins pas de doute, il s'agissait bien du cours de Biologie...
_ On attendait plus que vous, dit-il en enlevant ses gants. Bienvenue mademoiselle... Emma Duroy, dit-il en regardant le post-it sur sa paillasse blanche comme neige.
_ Elle a un nom, si c'est pas merveilleux, dit le blond en s'engouffrant derrière moi et en fermant la porte.
_ Monsieur Piettering, vous n'avez pas l'impression d'abuser un peu ? Vous avez quasiment quinze minutes de retard.
_ Elle aussi, dit-il en me désignant et en s'asseyant à une paillasse vide, sous les gloussements des filles.
_ Oui mais notre chère invitée a de bonnes raisons vu que ce n'est pas son établissement, dit-il en posant ses mains sur mes épaules. Ce qui n'est pas votre cas.
_ Sauf votre respect monsieur, dit-il concentré sur la rosas qu'il avait commencer à tracer avec son compas, notre bel oisillon français pleurait toutes les larmes de son corps car sa salle était introuvable, d'où mon retard, j'ai bien pris cinq minutes pour la calmer et pour la convaincre de ne pas se suicider dit-il en prenant quelques crayons de couleurs et en commençant à colorier la fleur. Vous devriez me remercier de vous l'avoir amenée en un seul morceau, monsieur.
_ Piettering, vous commencez à me les casser sérieusement. Vous n'avez aucune excuse valable donc chez le CPE avant que le scalpel ne s'aventure malencontreusement sur votre tronche affreusement insolente et Dieu sait à quel point j'ai envie de le faire, ne me donnez pas de bonne raison.
Le blond allait protester de nouveau lorsque je l'interrompis
_ Um, dis-je avec mon Anglais approximatif, il y a une part de vrai dans ce qu'il dit, notamment le fait que j'étais perdue et qu'il m'aidait à trouver mon chemin
_ Pas de suicide ni de crise de larmes ?
_ Pas que je sache, dis-je en souriant.
Le prof poussa un soupir exagéré et d'une pression me dirigea vers la place à côté du blond -la seule de libre- à ma grande horreur.
_ Vous le sortez de ce mauvais pas aujourd'hui mademoiselle Duroy, pour la peine vous gagnez le droit de passer les deux prochaines heures à côté de ce charmant personnage.
Je m'assis de mauvaise grâce, ignorant royalement le regard amusé du blond.
_ Et avec en bonus un joli petit coeur à disséquer ! dit le prof en faisait glisser la barquette sur notre paillasse. Bienvenue en Angleterre mademoiselle Duroy !
Je m'étais attablée seule avec mon plateau rempli de nourriture non-identifiée. J'essayais de deviner ce que devais être le morceau marron que j'avais réussi à attraper avec ma fourchette après mille efforts lorsque quelqu'un s'assit devant moi, me faisant sursauter et lâcher le truc que j'avais nommé EBC (est-ce bien comestible ?)
_ Oh c'est pas vrai...
_ Quoi, je t'ai manqué ?
Le blond.
_ Je t'en prie, je préfère vraiment être seule que mal accompagnée alors ne te sens pas obligé de manger avec moi
_ J'ai des obligations en tant que délégué de classe
_ C'est ça...
J'explosai de rire.
_ T'as fais quoi pour les soudoyer ?
_ Ça te semble si improbable que des gens votent pour moi parce qu'ils m'aiment bien ?
_ C'est carrément du domaine de l'utopie là.
_ Mmh, avec quelques efforts tu arriverais presque à me vexer. Démonstration
Il fit un signe à la table voisine et tous les gens répondirent avec de grands sourires et mouvements de mains. Il réitéra l'expérience avec la table de devant, de derrière, de gauche, de la diagonale droite, de...
_ Eeeh Piettering, qu'est-ce que tu nous amènes là ?
_ Ma nouvelle proie, fraîchement débarquée de France cher James.
Le brun me scruta des yeux à la tête mais avec un regard tellement innocent que je me laissai faire sans rien dire.
_ Toi et ton bon goût...
_ Je sais je sais...
_ Eh, je suis là je vous le rappelle !
_ Oups, j'avais oublié que les rabats-joie avaient une langue.
Je soulevai un sourcil puis pris mon plateau avec le projet de mettre le plus de distance possible entre Lui et moi.
_ Eh, jt'ai vexé ? dit-il, à ma poursuite suivi de James
_ Il en faudrait un peu plus
_ Pourquoi est-ce que tu pars alors ?
_ T'as le don de me donner envie de vomir
James s'esclaffa
_ T'as trouvé la perle mon cher Piettering
_ C'est aussi ce que je me dis, dit-il avec un sourire malicieux.
Je levai une fois de plus les yeux au ciel.
_ Je fais une fête demain soir, dit James, souriant. J'aimerais que tu viennes.
J'allai répondre négativement lorsque le blond me devança :
_ On te laisse réfléchir ! A plus Emma !
Et ils partirent bras-dessus bras-dessous d'une démarche nonchalante, saluant les autres qui les regardaient comme des Dieux. Ok, j'étais tombée sur les Kennedy de mon lycée donc en gros, les types les plus populaires du bahut. Amazing...
_ Swann !
_ Tu meeeurs d'envie d'y aller, avoue !
_ Pas le moins du monde répondis-je, honnêtement. J'ai vraiment pas envie de faire la fête ce soir, dis-je en m'extirpant de la robe noir moulante qu'elle m'avait obligé à essayer.
_ On ne rate pas une fête de James Huddle, c'est contre nature
_ C'est contre ta nature.
_ De toute manière, t'as pas le choix. J'ai dis à Maman qu'on allait chez Stacey pour bosser l'exposé et qu'on dormait chez elle donc t'es obligée de venir.
_ Swann ! dis-je en lui balançant mon oreiller dans la figure
_ Tu me remerciera plus taaard, chantonna-t-elle en enfilant une paire d'escarpins. Bon, fais moi plaisir jolie-Em, habille toi maintenant, il est vingt-et-une heure passée je voudrais pas qu'elle croie qu'on va a une soirée.
_ Ce qui est plus ou moins le cas non ? dis-je en enfilant un bonnet
_ Oui mais ça elle n'a pas besoin de le savoir
_ Toi qui le dis
J'enfilai une paire d'escarpins noirs que j'avais emportés (allez savoir pourquoi...) mit mon pendentif préféré et alla juste à la salle de bain pour me maquiller.
_ Je peux le faire ?
J'haussai les épaules. Swann avait bon goût, je ne risquai rien. Concentrée, elle entreprit de me mettre en bonne dose du fard à paupière marron foncé qui, étrangement faisait ressortîmes yeux. Je ne sais pas comment elle avait fais ça en aussi peu de temps mais elle avait réussi l'exploit de me rendre jolie ET féminine.
Elle souffla sur ses pinceaux, satisfaite du résultat, en un geste un peu comme un agent secret lorsque il vient de tuer un ennemi.
_ Profites-en bien parce que tu ne me verras pas tous les jours comme ça, dis-je de mauvaise grâce en me dirigeant vers la porte d'entrée.
_ De rien, souffla-t-elle, malicieuse.
_ Bonne soirée les filles, travaillez bien, lança sa mère, le dos tourné à nous pour regarder son feuilleton à la télévision.
_ Compte sur nous maman, répondit-elle en me faisant un clin d'oeil.
Nous passâmes le cadran de la porte sur la pointe des pieds pour ne pas faire tinter nos talon puis nous nous engouffrâmes dans le métro qui n'était pas loin. Bien évidement, on se fit siffler ce a quoi Swann répondit par un joli geste très féminin avec le doigt, qui firent taire tous les voyeurs du wagon.
Malgré leur petit budget, la maison des Finnigan était très bien placée, près du métro, d'un centre commercial, dans un quartier sur et surtout, a dix minutes de métro du centre de Londres, où il y avait la villa de James. On sonna à l'interphone et quasiment instantanément la porte se déverrouilla.
Difficile de louper la fête, même lorsqu'on habitait la rue d'à côté. Swann m'abandonna très vite pour aller voir ses nombreux amis. Seule, inquiète et carrément pas à ma place, j'entrai dans la maison avec pour projet de me planquer quelque part et de ne sortir de mon trou seulement lorsqu'ils seront tous tombés en coma éthylique. J'ouvris toutes les chambres à l'étage, encore inoccupées (la soirée n'avais commencé que depuis une heure) et m'installai sur le cadran d'une fenêtre, en équilibre précaire. J'ouvris celle ci et laissa une de mes jambes pendre dans le vide. La porte fermée, la musique se faisait moins agaçante et je pouvais presque profiter de la jolie nuit étoilée.
Oui, des milliers d'étoiles dans le ciel, dont une brillait plus fort que les autres. Parce qu'Il était au ciel désormais, parce qu'Il était censé veiller sur moi maintenant, de là haut. Je fermai les yeux, fatiguée. J'avais envie de rentrer chez Swann, de prendre quelques somnifères et de m'endormir pour ne pas penser à cette nuit là, celle où tout s'était terminé. Jour pour jour, ça faisait un mois. Et je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'à cette heure exacte, où tout aurait pû changer si jamais je n'avais pas fais la pire connerie de ma vie en cédant aussi facilement à la tentation.
Crispée, malheureuse, je sortis une cigarette de mon paquet planqué dans mon soutien gorge, et l'allumai. Je scrutai la flamme un instant, puis fut interrompue par quelqu'un qui venait d'entrer et qui avait refermé la porte immédiatement sur lui.
_ Jt'ai vu tu sais
_ Je cherche pas à me cacher, dit une voix masculine
Sans le regarder, je tirai quelques bouffées. Piettering se fit une place à côté de moi et nos deux paires de jambes pendirent dans le vide.
_ T'as le vertige ? demanda-t-il enfin, pour briser le silence.
_ Un peu...
_ Pourquoi tu descends pas avec nous alors ?
_ J'ai vraiment pas envie de faire la fête ce soir, avouais-je en me perdant dans ses prunelles grises.
_ Pourquoi ?
J'eu un sourire fatigué.
_ Mauvaise pioche, je suis pas du genre à dire ce que les autres ont envie d'entendre
_ J'avais cru remarquer
_ Ni a répondre aux question concernant mon passé.
_ Ça concerne ton passé ma question ?
_ Oui.
Je détournai mes yeux, regardant les étoiles.
_ C'est une belle nuit, n'est-ce pas ?
_ Tout est relatif
_ Oui, mais celle-ci est belle, dit-il
_ Je vois pas en quoi elle l'est plus qu'une autre
_ Elle n'est pas seulement belle par sa beauté initiale, mais également pour les évènements qui y sont survenus ou qui vont survenir. On appellera aussi ça un joli souvenir, lorsque on se rappellera de ce 29 septembre 2010 dit-il en me donnant un petit coup d'épaule.
_ Joli cours de valeurs, surtout quand la nuit ne fais que commencer...
_ Tu m'inspires, que veux-tu, dit-il en souriant et en sortant également une cigarette.
Je souris. Il savait être sympathique quand il le voulait.
_ Tu es une fille profonde, tu sais ?
_ Je pourrai mal le prendre, tu sais ?
Il ouvrit la bouche, amusé.
_ Pas profonde dans ce sens là, t'as vraiment l'esprit mal placé
_ Désolée mais j'ai cotoyé beaucoup trop de garçons pour ne pas décoder certaines choses.
_ Je disais profonde dans le sens, tu n'es pas seulement belle, tu es mystérieuse.
Je rougis légèrement.
_ Je suis mystérieuse parce que tu ne me connais pas, dis-je en écrasant ma cigarette.
_ Tu es plus que ça, tu as quelque chose Emma.
_ Comment est-ce que tu t'appelles ?
_ Mh ?
_ Je viens de me rendre compte que je ne connais même pas ton prénom.
_ Carl.
_ C'est joli, dis-je en souriant.
_ Je préfère Piettering, mais merci.
Sans savoir vraiment pourquoi, je posai ma tête sur son épaule, geste qui nous surprit tous les deux. J'avais envie d'être bercée, j'avais besoin d'amour, de tendresse. Pour ne plus penser au fait que ça faisait aujourd'hui un mois. Nous restâmes ainsi quelques minutes, à scruter les étoiles et à sentir les vibrations des basses en bas dans le salon.
_ Toujours pas envie de descendre faire la fête ?
_ C'est la dernière chose que j'ai envie de faire
_ Au risque de me prendre un vent, je repose la question : pourquoi ?
Je ne répondis pas tout de suite. Mais je finis par dire la vérité.
_ Ça fait un mois tout pile que j'ai perdu un être cher.
_ Je suis désolé
_ C'est ce que tous les gens disent, oui
_ Je le suis vraiment
J'eu un petit soupir exaspéré.
_ Pourquoi tu as tant de mal à croire que je sois sincère ?
_ C'est mal de douter d'un inconnu ? Désolée, je suis si étroite d'esprit... répondis-je ironique.
_ T'as un gros problème de confiance
_ Tu me dis d'où tu tires cette conclusion ?
_ Je le sens.
_ Donc ton raisonnement repose sur ton intuition.
Il se passa une main dans les cheveux, moitié amusé moitié agacé de mes réparties.
_ Tu me ferais confiance, là tout de suite, pour t'emmener quelque part ailleurs ?
_ Tu penses a quoi exactement ?
_ Réponds a la question.
_ Euh...
_ Je prends ça pour un oui.
Il me prit par la main et me fit descendre de la fenêtre. J'atterris dans ses bras et frôlai son nez tellement nous étions proche.
_ C'est mal d'être aussi entreprenant, tu risquerais de ruiner toutes tes chances avec moi, chuchotais-je en levant un sourcil amusé tandis qu'il me gardait au niveau de ses yeux
_ Ah parce que maintenant j'ai mes chances avec toi ?
_ Disons que t'as un capital et que tu ferais mieux de ne pas trop l'endommager
_ Je ferais bien de suivre tes conseils alors, répondit-il en me faisant un sourire éclatant.
Il me reposa a terre et nous descendîmes au rez-de chaussé où la fête battait son plein. Swann nous regarda en fronçant les sourcils lorsque nous passâmes à travers la fumée, la musique, les gens, l'alcool et qu'il m'entraîna dehors loin de tout ça. Je lui expliquerai plus tard.
_ Tu m'emmènes où ?
_ Si je te le dis, ça ne serait plus une surprise
_ Depuis quand c'est une surprise ?
_ Depuis que j'ai décidé de te cacher la destination.
Il prit ma main dans la sienne avec une once d'hésitation qui me fit prendre légèrement confiance. Lui aussi tâtonnait dans le noir avec moi, tout comme je n'arrivais pas à le cerner. Il était beaucoup plus intéressant qu'il n'y laissait paraître. Le blond m'offrit un casque de moto tandis qu'il enfilait le sien et qu'il faisait vrombir le moteur.
_ Accroche toi à moi
_ Pas question !
_ Comme tu veux...
Il démarra à toute vitesse et pour ne pas passer par dessus bord je m'agrippai à lui de toute mes forces, ce qui le fit fortement ricaner. Moi aussi je souris. J'étais bien avec lui
Il conduisit à toute vitesse mais ça ne me faisait pas peur, il maîtrisait vraiment bien son engin. Je trouvais même ça plutôt agréable, mes cheveux battaient dans le vent, ça faisait voler ma jupe et me sortais de l'ordinaire. Et puis j'avais toujours aimé les trucs à sensation et sentir mon coeur tambouriner dans ma poitrine -comme maintenant- valait déjà le voyage. Je sentis qu'on perdait de la vitesse et on arriva dans le plein centre de Londres où les rues étaient illuminées par des centaines d'affiches et de vitrines.
_ C'est magnifique !
_ C'est la première fois que tu viens en centre ville à Londres ?
_ Oui, avouais-je. C'est si coloré ! dis-je en tournant sur moi-même pour que toutes les couleurs se mélangent.
_ Je rêve ou bien j'ai cru voir que tu étais... joyeuse ?
_ Garde ton cynisme pour toi, c'est l'effet que me fait cette ville voilà tout souris-je en me laissant prendre ma main à nouveau par le charmant blond qui m'entraîna vers Soho, le quartier Chinois.
On déambula dans le petit quartier Chinois et regardant avec gourmandise ou intérêt poli toutes les curiosités des ruelles, comestibles ou non. On goutta quelques spécialités exotiques, qui nous firent exploser de rire chacun notre tour lorsque c'était trop épicé pour nos pauvres papilles. On continuait de marcher bras dessus bras dessous, il y avait tellement de choses à voir, à découvrir ! Le ciel était strié de bannières jaunes et rouges et des lampions avec des signes chinois.
_ Ça, ça veut dire : manger pas cher, dit Carl en me désignant un lampion doré
_ N'importe quoi, rigolais-je en le tapant sur l'épaule.
_ Mais si si, je te jures, demande moi n'importe quelle signification
_ Ok, celui-ci, dis-je en désignant un lampion vert
Il fit mine de se concentrer
_ Boire pas cher.
_ Mais quel mytho !
_ Demandes-en une autre
_ Tu racontes des bêtises, les signes ne se ressemblent même pas !
_ Demandes-en une autre dit-il en me faisant un sourire complice.
_ D'accord, le rose !
Il mit ses doigts sur ses tempes et ferma les yeux, faisant mine de faire bouillir son cerveau
_ Arrête on dirait que tu vas lâcher un gaz, m'exclamais-je
Il explosa de rire, sa pomme d'adam montant et descendant rapidement au rythme de ses esclaffements. J'eus le souffle coupé. Carl était beau. Il se calma et repositionna une mèche dans mon bonnet en un geste tendre.
_ Alors, que voulais dire ce signe ? demandais-je, le fixant
_ Carl trouve Emma très jolie...
C'est précisément à ce moment que mon coeur rata un battement avant de reprendre un rythme effrené, cognant dans ma poitrine intensément. Nos visages se rapprochaient lentement l'un de l'autre genre, comme les ralentis au cinéma pour les scènes de baiser. Je fermai déjà les yeux lorsque nous fûmes tous les deux soudainement interrompus par un feux d'artifice qui éclata au dessus de nous.
Je me retournai vers les gamins chinois qui se tenaient les côtes tellement ils trouvaient leur blague drôle. Leurs rires étaient contagieux car Carl et moi nous mîmes à nous esclaffer avec eux. Il m'entraîna après vers un coin beaucoup moins bruyant et fréquenté, continuant de marcher dans les rues de Londres la nuit. Il devait être aux alentours de 23 heures et le ciel était noir comme l'encre, juste illuminé par les étoiles et la lune. Je frissonnai, commençant à avoir froid avec mon chemisier aux manches courtes. Carl comprit immédiatement car nous entrâmes quelques minutes plus tard dans un Starbucks.
_ Deux Frapuccinos s'il vous plait, demanda-t-il lorsqu'il constata que le café m'était étranger. Vous n'avez pas de Starbucks en France ?
_ Pas à Nantes en tout cas ou du moins, pas à ma connaissance. Il doit y en avoir un a Paris évidement, mais pas autre part.
_ Paris...
Il prit nos cafés et sortit dehors, me tendant le gobelet rempli d'une crème qui faisait fichtrement envie. Il plongea son doigt dans le sien et me colora mon nez d'une jolie touche de crème fouettée, ce qui nous valut une course poursuite dans les rues de Londres, rigolant comme des enfants. Nous nous installâmes sur un banc une fois que je me sois vengée, en arrière plan la ville bouillonnante de Londres et en premier plan le lac de Hyde Parc avec ses jolies fleurs dont les couleurs étaient impossible à voir avec la nuit.
_ Il paraît que c'est la plus belle ville du monde.
_ Je trouve Londres plus agréable que Paris, c'est comme un mini New York
_ Oui mais Paris c'est plus romantique !
_ Qui est encore intéressé par le romantisme de nos jours ? rigolais-je en sirotant lentement le liquide caramel, laissant l'agréable chaleur se diriger dans toutes les veines de mon corps, me réchauffant délicieusement dans cette nuit fraîche.
_ Les filles, dit-il moqueur.
_ Pas toutes !
_ Quoi, t'es pas une romantique dans l'âme ?
_ Pas trop non, rigolais-je doucement. Pas du tout, même.
_ Des preuves, des preuves !
_ Eh bien mon premier baiser c'était à la suite d'un pari, je devais embrasser un inconnu. Mon premier "je t'aime" c'était plus ou moins sous la contrainte, mon copain de l'époque avait menacé de me quitter si je ne lui disais pas.
_ Et tu l'as fais ?
_ Oui, souris-je. Et j'ai immédiatement rompu avec lui après, pour lui apprendre qu'on ne forçait jamais une fille à faire ce qu'elle n'avait pas envie de faire.
_ Mon dieu, et dire que je suis en train de m'enticher d'une sans coeur...
Je souris dans la nuit, lissant le plis de ma jupe.
_ Je peux te poser une question? dis-je, hésitante.
_ Je t'en prie.
_ Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ?
_ Ça quoi ?
_ Ça ! dis-je en désignant la vue, le café et, moi.
Il eut une moue amusée avant de prendre une gorgée de son café, me faisant languir exprès. Je soupirai avant de me lancer :
_ Ecoute Carl, t'es bien dans tes baskets, t'as toutes les filles que tu veux, tu le sais, je le sais. Je suis pas un trophée ou un défi à relever sous prétexte que je te tiens tête, si ce jeu t'amuse c'est tant mieux mais je n'ai pas envie d'y jouer. L'ancienne Emma aurait adoré mais la nouvelle est bien trop triste pour s'amuser avant un long moment. Je ne sais pas si tu es sincère quand tu es gentil avec moi alors je tiens à dire que je me passerais très bien de ton hypocrisie chronique ou alors de ton intérêt malsain pour la nouvelle petite Française fraîchement débarquée à Londres. Je suis pas un jouet qu'on manipule et qu'on oublie, j'ai pas envie de ce genre de relation pour le fun. J'ai donné dans le genre "je t'aime moi-non plus" et si je suis en Angleterre c'est pour oublier que j'ai été cette fille joueuse, que je me suis brisé moi-même mon coeur.
_ Tout ça pour dire quoi ?
_ Quoi, t'es toujours pas parti en courant ? dis-je amusée
_ Je ne voulais pas être impoli et te couper dans ta tirade en m'en allant
_ Trop gentil
_ Une fois de plus, tu n'as pas répondu à ma question. Tout ça pour me dire quoi ?
_ Que si tu n'es pas sincère, ça n'est même pas la peine d'essayer quelque chose avec moi.
_ Et dans le cas où je serais sincère ?
_ J'en doute
_ Oui mais dans ce cas ?
Il y eut un silence, je le vis me scruter intensément mon visage tandis que je regardais la lune, peu à peu cachée par les nuages
_ Dans ce cas, fais attention
_ Pourquoi ?
_ T'es comme les gosses de cinq ans toi c'est dingue, faut toujours que tu demandes pourquoi lâchais-je, amusée.
_ T'as eu le coeur brisé j'en doute pas une seconde, lâcha-t-il après quelques secondes de silence.
_ Bien joué Sherlock.
_ Qui a recollé les morceaux ?
_ Personne, il est toujours brisé. Il marche mal tu sais. J'ai un peu de mal à le réparer toute seule...
_ Ça doit être horriblement douloureux.
_ Horriblement, soufflais-je tandis qu'il approchait doucement son visage du miens, prenant tendrement mon menton entre ses doigts
_ Je suis une glue vivante tu sais ?
_ J'avais cru remarquer, dis-je en fermant les yeux
_ Je les recollerai un a un tous tes morceaux brisés, souffla-t-il avant de poser doucement sa bouche contre la mienne, en un geste si tendre que mon coeur suffoqua l'espace d'un instant. Sa langue passa le barage de mes lèvres et nous échangeâmes un baiser passionné. On se touchait, se palpait, on devait, on se le devait. Pour sentir si tout ceci était réel, ou juste un rêve enchanté.
Nous restâmes comme ça toute la soirée, blottis l'un contre l'autre. C'est rapide ? Oh mon Dieu oui, c'était vraiment trop rapide mais, c'était la bonne pioche. Carl tint parole, il recolla mon coeur, jour après jour, morceaux après morceaux.
Et je lui dois tout. C'est grâce à lui, et uniquement grâce a lui que j'ai repris goût à la vie. Il a prit soin de moi et ne m'a jamais plus quitté après cette nuit là. Je ne pensais pas pouvoir aimer à nouveau après tout ce que j'avais traversé mais, il a su me convaincre du contraire.
jumellediabolique, Posté le mardi 28 août 2012 17:44
Mais attends elle racontait ça à quelqu'un ? Oh put*in tous ces messages cachés dans le texte, genre faut lire entre les lignes, moi ça me dépasse *;* Bon je verrais au next chapitre =)